RESUME CONFERENCE : POUR DES OBSÈQUES PLUS ECOLOGIQUES

dimanche 3 mai 2015
par  Béatrice, Fred
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CONFERENCE : POUR DES OBSÈQUES PLUS ECOLOGIQUES

Crémation, Enterrement, ...Humusation : quel choix, à quel prix ?’

Samedi 4 avril 2015, 14h30, Espace René Cassin, Argentan (61)

Avec Michel Kawnik, Et Francis Busigny,

INTRODUCTION

La mort et les obsèques sont un sujet délicat. Mais la question des impacts de nos deux modes d’obsèques en France est une question que l’on peut se poser puisque 70 % des Français interrogés dans une étude récente se déclarent intéressés par des obsèques qui respecteraient davantage l’environnement .

Quand à l’impact écologique, c’est un peu comme dans les cas où on cite comme source de pollution les choses suivantes : les vaches qui rotent du méthane, couper un arbre ou deux, manger de la viande, brûler des tailles, supprimer quelques mètres de haie. Ça fait sourire ou ça énerve car on se dit que ça fait bien longtemps que c’est comme ça et ça n’a pas causé de problème. La mort est aussi présente depuis des lustres, voire avant l’invention des lustres.

Or maintenant c’est la question d’ordre de grandeur qui devient préoccupante. Nous ne sommes plus quelques millions mais des milliards avec à notre disposition de plus en plus de produits ou molécules dangereuses, et des pratiques différentes d’avant. Nous sommes aussi dans un contexte de démographie mondiale jamais en baisse, d’une raréfaction des énergies faciles, d’une déforestation importante, d’un manque de place, et d’une qualité de l’eau qui se dégrade sans cesse. Et là ça change tout : pour les vaches,pour le bois qui brûle comme pour les obsèques.

L’association BIO SUR ORNE a parmi ses objectifs la sensibilisation aux questions environnementales. Elle a donc choisi d’organiser cette conférence pour informer et permettre une réflexion sur la question des choix à la fois individuels et collectifs que nous pouvons faire. Cette information sur les impacts écologiques des obsèques et sur les solutions s’adresse donc aux citoyens et aux élus.

Pour ce faire nous avons invité les deux intervenants (présentés ci-dessous) à venir partager avec nous leur connaissances et leur projets.

PRESENTATION DES INTERVENANTS

Michel Kawnik vient de Paris. Il est président de l’association AFIF : L’Association Française d’Information Funéraire. C’est une association loi de 1901, qui se donne pour but l’information du public et la défense des intérêts des familles, en France et ailleurs, pour ce qui concerne la mort, les rites funéraires, le deuil et le souvenir.

Francis Busigny vient de Belgique. Il est Ingénieur Conseil en valorisation soutenables des eaux résiduaires et des "déchets" biodégradable. Francis Busigny était déjà venu à Argentan http://www.biosurorne.org/spip.php?article313. Après les stations d’épurations, les TLB, le traitement des eaux et l’utilisation des rejets humains (wc, eaux grises, etc), il tente maintenant de mettre en place en Belgique l’humusation des corps des défunts, avec la fondation d’utilité publique « MÉTAMORPHOSE afin de pouvoir mourir ...puis donner la vie » pour rendre légaux les « Jardins-Forêts de la Métamorphose » .

LES IMPACTS DES DEUX MODES D’OBSÈQUES AUTORISÉS EN FRANCE A CE JOUR

Les interventions des deux conférenciers ainsi que les interventions et questions de l’audience ont permis de dégager les points suivants :

INHUMATION

Pour beaucoup d’entre nous, à priori, l’inhumation n’a pas d’impact sur l’environnement. Pourtant la liste des impacts est non négligeable :

- Importante consommation de matière (béton du caveau et marbre de la stèle, bois du cercueil)
- Importante consommation d’énergie de fabrication (béton du caveau et marbre de la stèle)
- Importante consommation de transport (80% du marbre viendrait aujourd’hui de Chine et d’Inde)
- Importantes émissions de GES – Gaz à Effet de Serre (énergie et transport, mauvaise dégradation des corps)
- Pollution de l’eau (les produits formolés de plus en plus utilisés pour la thanatopraxie, les produits des vernis des cercueil à base de polyuréthane, ...)
- Emission de cadaverine et putrescine (mauvaise et très lente dégradation des corps confinés et sans contact avec la vie du sol, à l’opposé du "retour à la Terre" que s’imaginent la plupart des personnes)
- Pas de traitement des polluants accumulés dans les corps
- Soutien d’un commerce mortifère des fleurs (fleurs produites dans des conditions sociales et environnementales désastreuses qui sont importées massivement, notamment de pays africains, pour fleurir nos cimetières)
- Les cimetières tels qu’ils sont gérés sont très consommateurs d’herbicides et accentuent la pollution des terres et de l’eau.
- Pas de valorisation et transformation en humus.
- Emprise au sol en augmentation.

CREMATION

Ce mode d’obsèques de plus en plus courant laisse à penser que c’est un choix plus ’écologique’. La majorité des personnes qui souhaitent ce type de funérailles (de plus en plus 1/3 des personnes) croient que l’on disparaît ainsi totalement et que l’on ne laisse pas de traces, or ce n’est pas le cas : on ne disparaît jamais totalement, on se transforme. Ainsi lors de la crémation, sont recueillis d’une part les cendres du défunt (cendres qui correspondent à la partie calcifiée du corps, d’où pour les enfants en bas âge, pas de cendres, car pas encore d’os calcifiés) ; et d’autre part, sont également produits des poussières, particules et fumées qui se retrouvent dans l’air et dont une grande partie sont composées de particules toxiques dues à la combustion (notamment dioxine, mercure...). Ces particules toxiques se retrouvent ensuite dans l’eau et la terre. Voici une liste des impacts de la crémation :

- Importante consommation d’énergie.
- Importante émissions de GES.
- Importante consommation de matière (bois du cercueil).
- La crémation du fait des hautes températures transforme les substances (lasures, colles, vêtements, capitonnages, amalgames dentaires et toutes les substances accumulées dans le corps) en molécules qui a forte dose sont polluantes ou dangereuses, et ces substances sont rendues volatiles et donc très difficiles à gérer.
- La liste des substances émanant de la crémation a été présentée : dioxines, mercure, monoxyde de carbone, oxydes de soufre, oxydes d’azote, composés organiques volatiles, acide chlorhydrique, acide sulfurique. La liste augmente avec les soins de thanatopraxie presque systématiquement proposés (alors que non obligatoires et très polluants et qu’il existe d’autres méthodes moins polluantes pour conserver les corps (le froid) et que les soins du visage, maquillage, coiffure sont suffisants pour la présentation des corps.). A noter qu’en Europe seuls deux pays autorisent la thanatopraxie avant crémation (France et Angleterre).
- De très nombreux crématoriums en France ne sont pas encore équipés de filtres.
- Ces filtres sont dans tous les cas donnés pour une efficacité de 50% par les constructeurs pour diverses substances.
- La filtration entraîne dans tous les cas le point délicat du traitement de ces substances récoltées.
- L’épandage des cendres a un impact négatif sur la vie des sols.
- Pas de valorisation et transformation en humus.

LES CHOIX POSSIBLE A CE JOUR

Ces deux modes d’obsèques étant les seuls à ce jour autorisés (sans oublier la possibilité de demander le don d’organes ou le don du corps à la science), il reste possible pour les individus ou pour les collectivités de faire des choix qui tentent de réduire l’impact des obsèques. Michel Kawnik a rappelé que ces choix coûtent souvent moins cher mais ne nuisent pas à la mémoire des défunts ; dans tous les cas il a insisté sur l’importance de se renseigner auprès de plusieurs sociétés de pompes funèbres pour savoir ce qu’elles proposaient et les tarifs pratiqués (des devis sont fortement recommandés car les prix sont très variables selon les région et les entreprises).
Voici quelques possibilités pour tendre vers des obsèques plus écologiques :

DIVERS

- Éviter le recours à la thanatopraxie (avec des produits formolés). Des techniques de réfrigération temporaires existent (lit ou rampes réfrigérés par exemple).
- Opter pour un cercueil en carton (pour inhumation seulement car le bois est important dans le processus de crémation).
- Opter pour un bois simple et non traité/non vernis, ce qui ne gêne en rien le respect pour le défunt qui est avant tout de l’ordre du souvenir, du respect de la mémoire.
- Opter pour des articles funéraires biodégradables (ex : cercueil bois certifié, naturel, non vernis, sans colle de synthèse ou peinture, poignée biodégradable, etc…)
- Réduire la taille de la stèle funéraire. La stèle n’est pas obligatoire. Il n’est pas obligatoire non plus que le monument soit grand, qu’il soit en marbre, ni même en un type de pierre. Il peut venir de France, être une croix en bois ou en métal ou en pierre locale.
- Pour la communauté, le choix peut être fait de gérer les cimetières actuels différemment, en particulier en ce qui concerne l’utilisation d’herbicides mais aussi dans l’acceptation d’une uniformisation moins importante des sépultures (acceptation de l’ absence de caveau, acceptation de recouvrement en terre qui serait fleurie, acceptation d’arbres comme stèles, etc.).
- Aller vers le choix de cimetières paysagers.
- Pour les entreprises funéraires – installer les filtres avant l’obligation de 2018 - enlever tous les plombages, proposer des choix à plus faible impact sur l’environnement, ne pas proposer presque systématiquement la thanatopraxie, récupérer la chaleur de la crémation, ne rien jeter dans les égouts...

L’EXEMPLE DU CIMETIERE NATUREL DE NIORT-Souché

Ce cimetière a été évoqué comme un premier pas vers une pratique réellement favorable à l’environnement. Le cimetière naturel de Niort-Souché est le seul exemple connu en France qui permette de faire un pas conséquent vers un cimetière et un mode d’obsèques à impact réduit et une meilleure décomposition des corps. Il met en œuvre les choix suivants : arbres en grande quantité, dépôt en pleine terre et pas de pierre tombale, pas de caveau, cercueil biodégradable, pas de traitement, renoncement à la thanatopraxie, habillage à base de fibres naturelles, cercueils en bois non traités issus de matériaux recyclés et biodégradables, privilégiant les « circuits courts », tombes symbolisées par un pupitre en pierre calcaire locale, plantation de fleurs locales en mémoire du défunt (crocus, jacinthes, jonquilles...). C’est peut être ce qu’on peut faire de mieux dans la législation actuelle. Ce type de cimetière serait aussi aisément transformable en Jardin de la Métamorphose une fois la législation passée.

LE CHOIX DE L’HUMUSATION DES CORPS

Francis Busigny a présenté ce projet qui est en bonne voie dans son pays (la Belgique).

Le principe est celui de l’humusation des corps, non plus dans un cimetière classique mais dans un lieu qui serait appelé « Jardin-Forêt de la Métamorphose ».

Les corps, enveloppés d’un linceul, seront déposés sur un lit de 50 cm de broyat de bois d’élagage puis recouverts de 2 m cube de broyat et lignite. Cette méthode permet une dégradation très rapide des corps en aérobie sans production de cadaverine et putrescine. Elle permet aussi de retirer 12 mois après les métaux qui seraient encore présents. L’humus obtenu est une création de richesse pour la terre.

L’humusation permet en outre un traitement hautement efficace des polluants accumulés par le corps (résidus de médicaments et produits de traitement, résidus de pesticides, hormones chimiques, traitement chimio, etc.). Francis Busigny a cité une étude où un compostage avait transformé la totalité des antibiotiques qui y avaient été placés. L’humusation n’est pas source de pollution mais d’épuration.

Ce procédé est non seulement 100% favorable à l’environnement, mais il permet d’aller plus loin.
L’humus créé pourra servir à plusieurs choses :
- La création d’un lieu de recueillement pour les proches de la personne disparue et la plantation de fleurs, la germination d’arbres qu’il serait possible d’emporter avec une partie de l’humus dans une propriété de famille.
- La plantation d’un arbre comme lieu de recueillement dans le « Jardin-Forêt de la Métamorphose ».
- L’amélioration de terres fortement dégradées (grandes cultures, friches industrielles, ...).

Ce type d’obsèques n’empêche nullement la majorité des pratiques cérémonielles actuelles (aspects religieux, présentation et transport avec des cercueils, lieu de recueillement ou dispersion, fleurissement). Bien évidemment comme dans l’exemple de Niort, seront à proscrire : l’utilisation de la thanatopraxie, les tissus non biodégradables et l’enterrement du cercueil. Le caveau et le marbre ne seront eux plus d’actualité.

Enfin en plus d’éviter tous les impacts négatifs sur l’environnement listés plus haut, cette pratique de l’humusation dans un Jardin-Forêt de la Métamorphose sera moins onéreuse et créatrice d’emplois non délocalisables.

La fondation vient d’être créée et est en attente de la légalisation du procédé afin de donner aux personnes un choix réellement écologique pour leur fin de vie.

CONCLUSION

Chacun peut faire des choix dans l’état actuel des choses. Les entreprises et les communautés peuvent aussi faire des choix visant à réduire l’impact environnemental des obsèques.

Et pourquoi pas Argentan qui pourrait être dans l’innovation en proposant un cimetière naturel du type de Niort, puis en étant le premier à expérimenter un cimetière avec humusation qui serait 100 % favorable à l’environnement une fois la législation passée ?
Quelle beau chapitre ce serait à inscrire dans l’Agenda 21 de la ville et la CDC.

Liens internet

Site de l’AFIF - Président Michel Kawnik - http://www.afif.asso.fr/francais/Default.htm

Site de Francis Busigny - http://bonne-eau-bonne-terre.eu/

Site de Francis Busigny uniquement dédié à l’Humusation - http://www.humusation.org/

Site traitant du cimetière de Niort– Souché - http://www.vivre-a-niort.com/fileadmin/fichiers/Docpdf/cimetiere/cimetiere_ecologique.pdf


Brèves

24 février 2016 - Victor Hugo

"C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches."

13 février 2015 - James Hillman, psychiatre

"La nature meurt, parce que la culture meurt."

25 août 2014 - Goethe

"Rien n’est aussi terrible que de voir l’ignorance en action."

7 février 2014 - Lady Bird Johnson, Première dame des États-Unis de 1963 à 1969

"L’espoir fleurit là où fleurissent les fleurs."

11 septembre 2013 - Jacques Prévert

"Ne se mettre à genoux que pour ramasser une fleur"