Le jardinage biologique : compte rendu des conférences de l’EcoSalon 2012

lundi 18 juin 2012
par  Béatrice
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Jardinage biologique, permaculture, jardinage au naturel, les plantes au service des plantes, biodiversité, agriculture naturelles, maraîchage biologique... Un compte rendu des conférences sur le jardinage biologique ayant eu lieu lors de l’EcoSalon Bio Sur Orne les 10 et 11 Mars 2012 à Argentan

PAS DE PESTICIDES PAS D’ENGRAIS CHIMIQUES

Le principe de base du jardinage biologique c’est, bien sûr, la non utilisation de pesticides et d’engrais chimiques de synthèse.

Cela signifie que les traitements ne sont plus au centre du jardinage. Comme l’a glissé Alain Baraton durant sa conférence, on ne prend un aspirine que si l’on a mal à la tête, pas avant.... Et quand un traitement est nécessaire, on peut faire appel aux « préparations naturelles peu préoccupantes ». La plus connue est le purin d’ortie, mais Vincent Mazières, co-fondateur de l’aspro-pnpp (association pour la promotion des produits naturels peu préoccupants) a présenté l’intérêt des préparations faites à partir d’autres plantes, comme la fougère, la consoude, la prêle, (etc.). Chaque préparation, qui peut être sous forme d’extrait fermenté (le purin), de décoction, d’infusion ou de macération, a des propriétés particulières.

Concernant les fertilisants, l’utilisation d’amendement organique est possible de diverses manières : Les 3 maraîchers présents à la table ronde parlent de leur recherche d’autonomie en fertilisation. En parallèle de leur activité de maraîchage, un élevage de bovins permet d’assurer l’apport de fumier et de compost nécessaires à la nourriture du sol et de la plante. La culture d’engrais verts couvre le sol notamment l’hiver, pour éviter l’érosion et apporter des éléments fertilisants. Vincent Mazière indique également la possibilité d’utiliser des algues (attention cependant au type de sol plus ou moins acide !) ou des coquilles d’huitres, toutes 2 très utilisées en Bretagne ou dans les régions en bord de mer. L’idéal est en effet de pouvoir fertiliser avec la matière première que l’on trouve sur place. Le compost a évidemment une place de choix dans le jardin, les déchets devenant alors une richesse pour le sol ! Le compostage peut même se faire directement sur place en laissant la grande partie de ce qui n’est pas récolté ainsi que les coupes des couvertures végétale, les feuilles, etc.

De manière générale, avant d’en arriver au traitement, le jardinier prendra soin de mettre en place des pratiques et techniques qui privilégient la prévention des maladies.

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Alain Baraton EcoSalon Argentan 2012
photo Muriel Dolbecq

LE SOL, LES SEMENCES

Le premier choix important, à la base du jardinage en général et du jardinage biologique en particulier, c’est celui des graines. Lors de la table ronde des maraîchers, Louis Beauruelle, installé en bio aux Champeaux dans le Pays d’Auge, parle des semences et des plants et du respect de la biodiversité, les variétés anciennes permettant d’offrir au consommateur des légumes aux goûts différents. Comme présenté dans le film « Solutions locales pour un désordre global », la question des semences est primordiale : le jardinier amateur a intérêt à utiliser des semences non hybrides, des semences qui sont reproductibles (contrairement à celles que l’on trouve majoritairement dans le commerce), ce qui implique de les acheter à certains fournisseurs (un des plus connu est Kokopelli).

S’il veut aller plus loin, le jardinier se référera à la permaculture : Comme l’a expliqué Raphaëlle Birot de l’association Né O Sources, il s’agit de « concevoir dans un premier temps a l’échelle du paysage, puis a l’échelle locale avant d’imaginer les détails du système ». Penser global quand on fait le plan de son jardin, avant de venir au « petit » ; c’est à dire penser aux zones ensoleillées, aux vents dominants, aux parties plus ou moins humides avant de mettre ses légumes dans le terrain adapté. Le choix de variétés résistantes, adaptées au climat et au terroir, et dans la mesure du possible issues de l’agriculture biologique, sera donc le premier choix du jardinier.

Une technique déjà bien utilisée par les jardiniers consiste ensuite à favoriser les associations de plantes entre elles. Olivier Barbié de l’ITAN (Institut Technique d’Agriculture Naturelle) explique « que le mélange des plantes sur une même ligne et plate-bande entretient la synergie entre les plantes, évite l’expansion des maladies, évite les épuisements et carences locales du sol ; ». Et Mireille Van Simpsen du réseau des éco-jardiniers du bocage normand de rappeler l’une des plus connue : celle de la carotte avec l’oignon, ce dernier éloignant la mouche de la carotte.

La rotation des cultures fait également partie des principes de base souvent déjà mise en oeuvre par les jardiniers.

Au cours du Week end, la question centrale de notre rapport à la Terre aura été soulevée. Or, se poser cette question c’est aussi remettre en cause des habitudes, des certitudes et accepter de modifier ses pratiques. Car si le jardinier amateur devait se rappeler d’une chose, ce serait de prendre soin du sol ! Prendre soin du sol, c’est l’un des 3 piliers de la permaculture avec celui de prendre soin des hommes, et celui de créer l’abondance et de partager le surplus. Prendre soin du sol, c’est garder un sol vivant, comme montré dans le film « Solutions locales pour un désordre global ». Et pour garder un sol vivant il faut d’abord remettre en cause le labour. Le non-labour est d’ailleurs devenu un des principes majeur de l’Agriculture Naturelle : pas de labour, pas de sarclage, pas d’engrais, pas de pesticides, pas de taille ; auxquels ont été ajoutés trois composantes : des cultures variées, des légumineuses associées et un couvert d’arbres.

Garder un sol vivant c’est aussi ne jamais laisser le sol nu. Une couverture permanente du sol (vivante ou morte) permet de maintenir humidité, vie, air et humus et aide à prévenir des adventices. Paillage, couvertures végétales qui travaillent le sol, engrais verts, chacun a recours à différentes techniques. Alain Baraton préconise l’utilisation de plantes couvre-sol, rampantes, qui par leur floraison agrémentent les parterre, tout en permettant un entretien moindre du jardin.

Vincent Mazieres et Raphaelle Birot EcoSalon Argentan 2012

MAUVAISES HERBES et ANIMAUX NUISIBLES

Bien sûr, garder un sol vivant c’est oublier les pesticides, insecticides, fongicides et autres herbicides, qui, littéralement, « tuent ». Or, la question du temps passé à nettoyer son jardin, et notamment la question des herbes dites « mauvaises » reste centrale pour la plupart des jardiniers. Pour les maraîchers intervenants à la table ronde, si le paillage, le bâchage et le mulchage permettent de limiter la repousse des « herbes indésirables », face à celles-ci il n’y a pas de secret, il faut désherber : binage, sarclage, désherbage mécanique, à la houe maraîchère chez Louis Beauruelle ou traction animale chez Yvan Liehn. Pierre Plumet, installé depuis peu, souligne les exigences du passage de jardinier à celui de maraîcher : beaucoup de temps, d’énergie et de patience sont nécessaires pour obtenir des résultats à la hauteur des espérances. Comme pour chacun, il faut procéder par étapes, faire des essais , sélectionner les meilleures variétés, tenir compte du potentiel de la terre, s’adapter et ne pas compter ses heures ! Alain Baraton, jardinier à Versailles, insiste lui aussi sur le fait qu’il n’y a pas de mystère : c’est par la venue régulière du jardinier que celui-ci aura un beau jardin.

Il faut donc se poser les bonnes questions avant de commencer : quel temps est-on prêt à donner à l’entretien de son jardin ? La grandeur de mon jardin est-elle adaptée à ma disponibilité et mes besoins ? Est-ce que je souhaite un jardin parfaitement « propre » ou est-ce que j’accepte des pousses spontanées de différentes plantes ?
De même pour les animaux dits nuisibles, quel rapport le jardinier entretient-il avec ? Si l’on prend l’exemple des limaces, Alain Baraton répond avec humour à une question sur la manière de ne plus en avoir dans son jardin : personne ne lui a jamais demandé comment éradiquer les escargots ! : il faut les ramasser à la main tout simplement ! Mireille Van Simpsen a donné le lendemain différentes astuces plus ou moins connues pour limiter les dégâts : pour les ramasser, comme les escargots, des pots en terre retournés ou des planches en bois que l’on ira inspecter régulièrement feront l’affaire ; on peut déposer des coquilles d’œuf ou de la cendre autour des plantations pour éviter que les limaces ne mangent les jeunes pousses ; et la méthode définitive, c’est de les attirer dans un petit récipient avec de la bière pour les noyer ...

Toujours est il que le jardinier devra faire des choix : soit il opte pour un petit terrain qu’il sera capable d’entretenir régulièrement.
Soit il a une plus grande surface et il doit accepter d’y passer davantage de temps s’il veut tout maitriser. Sinon, il optimise le paillage, plantes couvre sol, etc. Et comme préconisé par la permaculture il privilégiera les plantes vivaces, arbres et arbustes bien sûr mais aussi plantes aromatiques, légumes comme les asperges.... qui une fois installés ne demandent plus beaucoup d’entretien !

ou dernière solution (qui est complémentaire !) ... il laisse une partie de son jardin en friche !

BIODIVERSITE

La possibilité de laisser une partie en friche (même dans un petit jardin) a été mise en avant lors de la table ronde du Dimanche matin :

Laisser tel quel une partie de son jardin c’est permettre l’installation de fleurs sauvages qui seront bénéfiques aux abeilles. Et les abeilles étant elles-même bénéfiques au jardinier en pollinisant ses tomates, petits pois, framboises, pommes et autres fruits, ... elles permettront une meilleure récolte ! Pour attirer les abeilles, Cécile Maingot qui est apicultrice, conseille de mettre des plantes mellifères, et surtout d’étaler la floraison, avec des fleurs riches en pollen : depuis la fleur de pissenlit au mois d’avril jusqu’à la fleur de ronce qui clôture la saison des abeilles dans notre région, le panachage d’espèces locales, sauvages et souvent considérées comme « indésirables », s’avère fondamental. De même le retour de la diversité dans les haies (oublions le thuya !) est vivement recommandé : sureau, noisetier, mais aussi cornouiller, lilas, buis, de nombreuses essences locales sont à redécouvrir !- D’autant que les haies ont aussi l’avantage de pouvoir être transformées en paillage sous forme de bois raméal fragmenté (BRF).

Laisser une partie de son terrain libre d’évoluer par lui-même cela peut aussi permettre au jardinier de savoir à quel type de sol il a affaire : vous avez des primevères, violettes, qui apparaissent dans votre jardin ? Votre sol est neutre calcaire ! Et pourquoi les arracher alors qu’elles illuminent agréablement le jardin et qu’en plus elles se mangent ! Quel plaisir et quelle surprise d’offrir à vos invités une salade agrémentée de fleurs de primevères et violettes !
Vous serez sûrement surpris de voir quelle végétation pousse spontanément dans votre jardin, comment le nombre de variétés de plantes augmentera, et peut être une partie vous sera directement utile : si l’on pense aux soins à apporter aux plantes, il est plus simple de traiter avec ce que l’on a sous la main, et toujours pour parler des plus connues, les orties sont dans ce cas les bienvenues ! Elles pourront vous servir par exemple au moment de repiquer vos tomates : une poignée d’ortie au fond du trou, et leur croissance n’en sera que meilleure !

Conference Biodiversite EcoSalon Argentan 2012
D’une manière générale, tout ce qui pourra favoriser la Biodiversité au jardin sera à privilégier... Didier Quéva, professeur de production végétale au Lycée Agricole de Sées, a rappelé la nécessité de préserver la Biodiversité pour la planète et pour l’Homme. A ce titre, le lycée agricole de Sées est d’ailleurs engagé dans le projet Biodivea qui promeut la Biodiversité dans les Exploitations Agricoles. Faustine Chartreux, également professeur de production végétale à Sées, a présenté différents travaux qui pouvaient être menés avec les élèves. Les différents animaux auxiliaires sont étudiés : si l’on connait bien la coccinelle et les abeilles, la Biodiversité c’est aussi les vers de terre, les forficules (ou perce oreilles), les syrphes, les carabes, etc., chaque espèce ayant son intérêt. Avoir une plus grande diversité de cultures peut être un moyen pour diminuer les mauvaises herbes ou adventices. Le retour des messicoles (coquelicot, bleuet, ...) dans les champs est également abordé avec les élèves. A Sées, la Biodiversité, c’est aussi l’élevage et la vente de 9 races de poules locales...

A propos de poules, Vincent Mazières a indiqué que la meilleure technique qu’il connaissait pour faire disparaître les vers des noisettes était de laisser picorer quelques poules au pied de votre noisetier. Cela fait écho aux "Systèmes" qui sont conçus en permaculture : les relations qu’entretiennent les différents éléments (habitat humain, micro-climat, plantes annuelles et vivaces, animaux, sols, eau...) créent une synergie pour une société durable et productive. Concrètement, dans notre exemple, la poule qui est au coeur de ce système, va non seulement manger les vers de noisettes, (peut être également les limaces ?), mais va aussi vous enrichir naturellement le potager avec ses fientes, si vous la laissez libre de s’y promener.

Un dernier mot sur la Biodiversité : Mireille Van Simpsen a présenté l’existence de nombreux programmes de sauvegarde de la Biodiversité. C’est une bonne entrée pour faire participer vos enfants et les initier au plaisir de la Nature : citons par exemple le comptage des escargots et des papillons avec Noé Conservation.

CONCLUSION

Finalement, si l’on devait retenir une chose, comme l’ont sûrement en mémoire ceux qui ont assisté à la conférence d’Alain Baraton, c’est que jardiner biologique, c’est d’abord respecter la plante là où elle vit.


Merci à tous les intervenants des conférences : Alain Baraton, jardinier au château de Versailles - Raphaëlle Birot, présidente de l’association Né O Sources oeuvrant pour la permaculture - Vincent Mazières, co-fondateur de l’association pour la promotion des produits naturels peu préoccupants – Faustine Chartreux et Didier Quéva, professeurs de production végétale au lycée agricole de Sées – Mireille Van Simpsen, animatrice du réseau des éco-jardiniers du bocage normand - Cécile Maingot, apicultrice et formatrice à savoir faire et découverte – Olivier Barbié, chercheur à l’ITAN (Institut Technique d’Agriculture Naturelle) - Pierre Plumet, maraîcher bio du GAEC des Rotours à la terre - Yvan Lhien maraîcher en biodynamie à Lignières-Orgères - Colette et Louis Beauruelle maraîchers bio aux Champeaux

Compte rendu réalisé par Béatrice Bouteloup


Brèves

24 février 2016 - Victor Hugo

"C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches."

13 février 2015 - James Hillman, psychiatre

"La nature meurt, parce que la culture meurt."

25 août 2014 - Goethe

"Rien n’est aussi terrible que de voir l’ignorance en action."

7 février 2014 - Lady Bird Johnson, Première dame des États-Unis de 1963 à 1969

"L’espoir fleurit là où fleurissent les fleurs."

11 septembre 2013 - Jacques Prévert

"Ne se mettre à genoux que pour ramasser une fleur"